Cas d'usage
22/07/21
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Le concept de digitalisation, voire de Transformation Digitale s’est complètement intégré dans nos esprits aujourd’hui. Mais en comprenons-nous réellement les enjeux. Certains associent la digitalisation au numérique donc à la Numérisation ou encore à l’Informatisation. Cependant, ces 3 notions sont bien différentes aussi bien dans leurs origines profondes que dans les transformations qu’elles induisent au sein des entreprises et leurs marchés.
Il est donc important aujourd’hui pour comprendre la digitalisation et ses enjeux de commencer par la définir précisément pour en saisir les contours et la différencier des autres notions. Il sera ensuite possible de poser les bases d’une démarche de transformation digitale en introduisant la notion de maturité numérique.
Numérisation | Informatisation | Transformation Digitale
La numérisation (“digitization”) traduit l’utilisation des possibilités offertes par les nouvelles technologies tout en continuant à faire la même chose, offrir les mêmes services en plaquant des outils numériques sur l’existant. On parlera donc de numérisation de l’activité.
Dans les ingénieries, cela se manifeste par le fait de scanner tous les documents papiers (plans, datasheets, PV de réception, bordereaux d’envois, …Etc) et les archiver sur des serveurs. Les données sont purement « stockées» et occupent moins de place. Toutefois, ce sont des formats non éditables dépourvus d’ “intelligence” et difficiles à exploiter dans une stratégie de “digitalization” voire de transformation digitale.
En fin de projet, le client final reçoit une donnée numérique, moins volumineuse que des palettes de classeurs de documentation technique – laissées dans des semi-remorques sur un parking – mais rien n’est résolu, y compris les problématiques d’accès et de recouvrement de l’information. Cette donnée numérisée n’est en rien valorisable sans un effort certain de structuration de l’information, effort qui peut se révéler bien plus important qu’une démarche de “digitalization” par ailleurs.
L’informatisation (“digitalization”), deuxième étape sur le chemin vers une transformation digitale, consiste simplement à se mettre au “niveau de l’industrie”, autrement dit faire ce qui est attendu, et probablement en place chez la majorité des concurrents. Le premier niveau qui la compose est appelé “computerisation” suivant le référentiel allemand “Industrie 4.0 Maturity Index” d’Acatech(1), une dénomination plus qu’explicite.
A ce niveau de maturité, les différentes technologies sont utilisées isolément et sans intégration des unes aux autres. Les différentes composantes de l’industrie continuent à travailler en silos. A titre d’exemple, dans un bureau d’études industriel, la modélisation sera réalisée sur un outil de CAO (E3D, CATIA, SOLIDWORKS, …) puis exportée vers AUTOCAD pour la réalisation des plans. Ces derniers devront ensuite être imprimés, annotés – ou signés – à la main puis scannés avant d’être finalement mis à disposition de tous les interlocuteurs projets via une base GED (Gestion Electronique de Documents).
Il est important de noter que l’informatisation permet dans bien des cas de gagner en fiabilité au niveau des données par rapport aux méthodes de travail basées sur le papier, d’éviter des redondances de saisies multiples et de faciliter le partage de ces données. L’informatisation étant le plus souvent déjà bien avancée dans la plupart des entreprises, elle est principalement utilisée avec pour objectif d’améliorer l’efficacité des tâches routinières et répétitives, mais rien de révolutionnaire.
La transformation digitale/numérique (digital transformation) consiste à réinventer les processus et imaginer de nouveaux systèmes, produits, services en utilisant les potentialités et opportunités des nouvelles technologies. Elle traduit une véritable maitrise des technologies digitales modernes et leur mise au service du business de l’entreprise. En ce sens la transformation digitale provoque une mutation des business models qui doivent être repensés à partir des nouvelles possibilités qui sont offertes. La concrétisation de la démarche de transformation digitale est donc d’arriver à casser les silos traditionnels de l’entreprise pour permettre aux différentes équipes de travailler dans un environnement unifié autour de la donnée (datacentric).
Aujourd’hui, l’ingénierie dispose de solutions performantes permettant de travailler dans des environnements 1D, 2D, 3D, …, voire 6D, complétement intégrés et communiquant les uns avec les autres. Un changement de conception sur l’installation pourra ainsi être identifié immédiatement et les plans associés automatiquement régénérés en cohérence avec la liste de matériels qui sera également mise à jour si besoin. Il est même possible d’évaluer en temps réel l’impact coût et planning de cette modification avant de la valider pour prise en compte dans le design 3D.
Conscient des enjeux et gains potentiels escomptés en termes de nouveaux marchés ou d’optimisation de la performance de leurs activités existantes, de nombreuses opportunités naissent aujourd’hui dans les organisations. L’objectif pour ces entreprises est clair, transformer pour avancer plus vite, plus efficacement et plus qualitativement dans leurs cœurs de métiers. Cela est particulièrement vrai pour des industriels de type EPC (Engineering Procurement Construction) qui peuvent se doter désormais de solutions leur permettant de gérer l’ensemble de leur activités en lien avec leur organisation et processus internes. Ces solutions dites EPC4.0 apportent une véritable plus-value dans la maitrise des projets et constituent une formidable opportunité de prendre en marche le train de la transformation digitale.
Il est important de noter que la confusion involontaire ou entretenue entre les 3 termes reste fréquente : Encore bien trop d’entreprises investissant dans le déploiement d’outils numériques, telles que des tablettes, communiquent sur leur transition, leur transformation, voire leur révolution digitale. Cependant, en mettant ces technologies disponibles et déjà banalisées à disposition d’un plus grand nombre – clients et/ou personnels – elles ne font que numériser leur(s) activité(s). Dans la plupart des référentiels de maturité numériques, ces entreprises ne verraient pas leur score dépasser le niveau 0, celui de la base.
Quelques modèles de maturité numérique
Les différents modèles de maturité numérique retiennent chacun un ou plusieurs axes pour évaluer le niveau de maturité d’une organisation vis à vis de sa transformation digitale.
Infosys évalue la maturité des entreprises selon leurs propensions à intégrer les innovations technologiques. Ainsi, dans son rapport Digital Radar 2020(2), Infosys classe la maturité des entreprises en trois grands groupes :
Selon l’étude du MIT et Capgemini(3), la maturité est évaluée suivant 2 axes : le premier est l’intensité numérique et le second le management de la transformation numérique de et dans l’organisation. Si l’intensité numérique est l’investissement dans des initiatives basées sur des technologiques numériques pour changer le mode de fonctionnement de l’entreprise, le second axe correspond au management et à la conduite du changement. Ce changement s’opère aussi bien dans les engagements de l’entreprise envers ses clients que dans l’exécution de ses opérations internes jusqu’à son business model. 4 typologies d’entreprises se dégagent ainsi :
Les entreprises débutantes (“Beginners”) se caractérisent par des expérimentations limitées. Même si elles peuvent démontrer une certaine maturité par rapport aux applications traditionnelles d’un ERP ou le commerce électronique par exemple, le manque de vision stratégique, le scepticisme par rapport aux opportunités 4.0 les laissent en état d’immaturité en matière de transformation digitale.
Les entreprises « fashionistas » – Nous préfèreront le terme de “Followers” – expérimentent volontiers les nouvelles opportunités digitales offertes mais pas de manière coordonnée c’est-à-dire sans lien avec le fonctionnement global de l’entreprise et les potentialités de ses marchés.
Les Conservatives » préfèrent la prudence à l’innovation. Elles partagent avec les Beginners un certain scepticisme par rapport aux opportunités 4.0. Enfin, les entreprises qualifiées de digerati – nous privilégierons le terme de “Leaders” – sont celles avec les meilleurs scores de maturité car elles sont capables d’investir massivement sur les diverses opportunités technologiques de manière cohérente et coordonnée avec des objectifs clairs par rapport à leur business model. L’étude met ainsi en évidence que les entreprises avec une intensité digitale forte auront de meilleures performances sur leurs actifs physiques tandis que celles avec une réelle maitrise du management de la transformation seront plus rentables.
Enfin, une étude complète du niveau de maturité des entreprises menée par l’Acadech (Académie nationale Allemand de science et d’ingénierie) met en évidence une approche intéressante de la digitalisation comme fondement de l’industrie 4.0 et levier de création de valeur pour les entreprises du secteur. Sans proposer de classement, cette étude invite les entreprises à entamer progressivement leur transformation en passant successivement par les 6 étapes suivantes: informatisation, connectivité, visibilité, transparence, capacité prédictive et enfin adaptabilité.
Au sein d’Orinox, nous considérons que ce modèle de maturité doit être complété par un niveau 0 (l’étape de Numérisation). Cette première étape indispensable, explicitée plus haut, pose les premières bases de réflexion d’une démarche de transformation vers une industrie 4.0.
De toutes ces approches, on retiendra une constante, la transformation digitale est présentée comme l’un des véritables leviers de performance et de rentabilité pour les entreprises, notamment celles de l’industrie de l’énergie, du process et du naval qui restent encore aujourd’hui moins avancées que les autres sur ces questions. Pour ces dernières, la transformation digitale rend possible l’atteinte de leurs objectifs dans toutes les phases des projets et tous les secteurs internes à l’entreprise par une approche systémique – là où prévalait auparavant une gestion par silos.
Aujourd’hui, il existe des solutions technologiques unifiées permettant de réaliser cette transformation digitale. Le challenge réside surtout dans la gestion et la conduite du changement qui doivent accompagner les décisions stratégiques visant le déploiement de cette démarche.
Auteurs
Ulrich KOMENAN – Lead, Operations Pilot (Author)
Maxime FOURREAU – Technology evangelist for Plant Digital Asset (Contributor)
Alexia BOUDET – Project Coordinator and R&D (Contributor)
Références